domingo, julho 19, 2009

TOUT LE MONDE Y A DROIT



Un couple une fin d'après-midi, dans une gare, à l'heure de pointe.
Ils étaient là, debout, enlacés, en osmose sur ce quai bondé. Ils s'étaient planqués un peu en retrait de la foule, derrière une colonne. De leurs regards éperdus, ils se dévoraient mutuellement, ils ne faisaient qu'un. Leurs corps épousés, les bras entremêlés, leurs baisers étaient passionnés, fougueux, énormes de tendresse. Un sentiment fusionnel, exprimé avec l'urgence des amants adultères qui doivent se quitter momentanément et pour qui la séparation est intolérable. A l'évidence, ils étaient en train de se dire "au revoir".
Rien que d'assez banal me direz-vous ?
Peut être ... si ce n'est qu'ils avaient dépassé la soixantaine.
C'était des caricatures de grands parents prolos et misérables, mal fagotés, gris et ternes. Elle avait ses cheveux gris et sales ramassés à la diable dans une barrette minable de prisunic, des bas à varice. Il avait une casquette ringarde, pied de poule, celle avec le bouton pression, des bretelles. Ils étaient laids. Ils auraient pu faire pitié.
Seulement, là on était loin de la pitié. Très loin, ils s'aimaient comme des adolescents, ça suintait la chaleur et la passion. Une si torride étreinte, chez des gens de cet âge, avait quelque chose d'obscène.
Mais j'ai passé outre le dégoût qu'ils m'avaient spontanément inspiré de prime abord. Je me suis forcée à les regarder sans cet a priori. Je commençais à imaginer leurs doubles vies compliquées, leurs parcours, leur histoire, cet amour anachronique ...
J'ai viré les préjugés.
Je les ai contemplé.
Je les ai enviés.
Je les ai trouvés beaux.
L'amour ? Tout le monde y a droit

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